10h - 18h
IRCAM, salle Olivier Messiaen
1, place I. Stravinsky 75004 Paris
Entrée libre dans la mesure des places disponibles
Complexité grammatologique et complexité aperceptive en musique
Une composition musicale est une suite d’informations qui, pour les troix niveaux de tripartition de Molino, permettent de parler de système organisé et de s’intéresser à la complexité de ce système. Derrière ce terme se cachent cependant de nombreuses définitions que l’on regroupe en deux catégories : les complexités grammatologiques, qui désignent la complexité de la pensée d’une écriture (par exemple, les complexités algorithmiques que l’on peut calculer grâce à des outils de théories des graphes) et les complexités aperceptives, qui concernent les difficultés psychologiques ou culturelles de perception. On montre que ces deux types de complexités sont différentes : deux procédures de même complexité grammatologique peuvent produire deux résultats sonores de complexités aperceptives dissemblables ; inversement, deux procédures analytiquement éloignées peuvent engendrer des résultats perceptifs proches de même complexité aperceptive. Ces relations dialectiques entre complexités ont des conséquences esthétiques et épistémologiques importantes, puisqu’elles interrogent la position de la pensée analytique dans l’acte créatif. Les résultats seront ici établis grâce à un paradoxe scientifique significatif, construit à partir des théories mathématiques de Kolmogorov et Chaitin. Ils seront ensuite appliqués à des procédures musicales communément utilisées par les compositeurs.
La perception n’est cependant pas une simple réception, mais également une écriture mentale. Étudier la complexité aperceptive requiert alors d’étudier la complexité analytique de l’algorithme réengendré par l’auditeur, et plus généralement la perception analytique d’un auditeur doué d’une certaine culture. Inversement, l’écriture musicale et les métalangages logico-textuels qui soutiennent toute pensée analytique portent une façon de percevoir la musique. Étudier la complexité grammatologique musicale nécessite en conséquence d’étudier la perception analytique de la musique, c’est-à-dire les principes analytiques qui sous-tendent toute épistemè musicale. Cette approche, plus philosophique et épistémologique, sera ensuite exemplifiée par la présentation mathématique de l’indice de consonance harmonique d’Hellegouarch, la dissonance étant ici entendue comme la distance entre un objet sonore et sa représentation mentale endogonéisée (longueur d’un chemin d’aperception).
Voir également :
Complexités : de Kolmogorov-Chaitin à Edgar Morin en passant par des approches élémentaires
Que peut-être une définition mathématique de la complexité ? Quels sont les rapports possibles entre complexité et chaos, entre complexité et hasard ? entre complexité et (ir)régularité ou désordre ? L'exposé de F. Lévy a bien posé le problème et délimité les champs d'étude. Nous donnons ci-dessous quelques pistes parallèles avant de nous concentrer sur une définition extrêmement étroite mais (donc ?) raisonnablement opérationnelle pour la complexité de suites infinies (ou très longues) de symboles.
La complexité pour Kolmogorov-Chaitin est essentiellement liée à la taille de la définition la plus compacte possible de l'objet étudié. On ne peut qu'en donner des majorations.
La complexité pour E. Morin est une question épistologiquement délicate : « … la complexité surgit comme difficulté, comme incertitude et non pas comme clarté et comme réponse. Le problème est de savoir s'il y a une possibilité de répondre au défi de l'incertitude et de la difficulté ». Il propose huit avenues de la complexité :
Les mathématiciens (et les informaticiens théoriciens) sont gens pragmatiques parfois. Leurs définitions du hasard ou de la complexité ne sont surtout pas générales mais le plus souvent adaptées au domaine précis étudié : normalité des nombres réels, probabilités uniformes, méthode de Monte-Carlo … pour le hasard, complexité algorithmique, dépendance en les conditions initiales – et effet papillon –, complexité par blocs des suites de symboles … Nous détaillerons un peu cette dernière notion en guise d'illustration.
Music recognition based on finding least complex representations of data
Music recognition is regarded as a representation of data rather than recognition in a proper sense. For instance, a loudspeaker membrane (single physical body) creates an impression of an orchestra (several physical instruments). On the other hand, mixture registers of pipe organs (several physical bodies) produce an effect of a single sound. It shows that there is no 1-1 correspondence between physical phenomena and mental patterns.
The problem of recognition of simultaneous polyphonic voices is solved by a representation of audio spectra in the least complex way in the sense of Kolmogorov (= requiring minimal memory storage). Compound audio spectra are represented as generated by displacements of one or few tone spectral patterns in the frequency domain. The displacements are melodic or harmonic intervals constituting respectively dynamic trajectories of voices or static contours of chords. A theorem on the unique recognition of chords under these provisions is proven, and computer experiments are performed with the reliability of recognition of about 99% (one missed note in a four-part Bach choral with 96 notes).
The same idea is applied to rhythm recognition under variable tempo. The problem is solved by finding the least complex representation of time data in terms of generative rhythmic patterns and tempo curve (the complexity being shared between both).
Thus, the "optimality of physical nature" is reflected by the "optimality in data representation". This link reveals the causality of data generation and allows classifying superimposed and distorted patterns. Besides, a number of statements of music theory and the functionality of interval hearing are explained.
Complexité / chaos : modèles, métaphores et fantasmes musicaux
Dans cette conférence, l'auteur s'interrogera sur les concepts de complexité et de chaos. Il présentera une double position compositionnelle : le chaos utilisé comme modèle (de façon stricte) ou comme métaphore (de façon large). En effet, les théories scientifiques du chaos fournissent des outils mathématiques fort prisés par le monde de l'art… il suffit de songer aux fractales, qu'il serait malvenu de négliger. Mais le chaos fournit également un puissant prétexte à la réflexion philosophique comme à la rêverie poétique voire à l'action socio-esthétique. Les compositeurs qui sont épris d'art-science, sont tout à la fois philosophes et poètes… La « complexité chaotique » pointe métaphoriquement dans leurs oeuvres. Pour aller plus loin, il serait pertinent de cerner en quoi ces modèles ou métaphorese relèvent du fantasme musical. Quoi qu'il en soit, la complexité i.e. le chaos, que l'on croit dans les oeuvres, se trouvent dans le regard c'est tout l'apport des théories de la complexité , ce qui signifie que ces concepts désignent une attitude face au monde. S'ils ont quelque légitimité, alors c'est l'approche musicologique elle-même qui est gagnée par cette nouvelle attitude, ce nouveau paradigme de pensée.
Voir également :