Modèles formels de la pensée contrapuntique
Vendredi 8 octobre 2010
Ircam, Salle I. Stravinsky
1, place I. Stravinsky 75004 Paris
(Entrée libre dans la mesure des places disponibles)
Cette séance inaugurale de la dixième saison du Séminaire MaMuX est consacrée aux formalisations et modélisations des techniques contrapuntiques. Après un survol sur les grands traités théoriques du contrepoint, on se concentrera sur quelques modèles formels dont on discutera à la fois les bases mathématiques et aussi quelques aspects computationnels. On consacrera la dernière partie de la journée à une présentation de quelques applications contemporaines de techniques contrapuntiques en composition assistée par ordinateur (CAO).
Programme
- 14h30 – 14h45 Carlos Agon – Présentation de la nouvelle saison du Séminaire MaMuX
- 14h45 – 15h15 Moreno Andreatta – Sur quelques grandes étapes de la pensée contrapuntique au XXe siècle : formalisations mathématiques et modélisations computationnelles
- 15h15 – 16h00 Julien Junod – Voyages contrapuntiques à travers les graphes
- 16h15 – 17h00 Karim Haddad – Du contrepoint : problématique et prospective.
- Discussion finale
Résumés
Moreno Andreatta (Ircam/CNRS) - Sur quelques grandes étapes de la pensée contrapuntique au XXe siècle : formalisations mathématiques et modélisations computationnelles
En guise d’introduction à cette séance, nous proposons un court survol sur quelques propositions théoriques au XXe siècle autour du contrepoint, de Ziehn (1912) à Tymoczko (2010), en passant par Graeser (1924), Schoenberg (1934), Krenek (1940), Schillinger (1941), Bizzi (1982) et Verdi (2005). Nous discuterons ensuite le rapport entre des formalisations mathématiques de la pensée contrapuntique et ses modélisations computationnelles, en nous concentrant, en particulier, sur une approche utilisant la théorie des grammaires formelles (Chemillier 1990).
Julien Junod (ETH, Zürich) - Voyages contrapuntiques à travers les graphes
Le modèle mathématique du contrepoint développé par G. Mazzola s’est avéré beaucoup plus riche que prévu initialement. Conçu pour décrire les règles du contrepoint de première espèce telles qu’elles apparaissent dans le Gradus ad Parnassum (1725), il a permis la découverte de nouveaux systèmes de composition, définis par des choix différents de dissonances et consonances. Le contrepoint classique apparaît ainsi comme une incarnation parmi 287 autres d’une même structure mathématique sous-jacente (Mazzola, 2007). La question se pose alors de savoir si ces nouveaux mondes musicaux sont aussi féconds pour la composition que ne l’a été le corpus de règles traditionnelles, qui a occupé compositeurs et théoriciens occidentaux pendant plusieurs siècles.
Nous verrons comment la théorie des graphes permet de décrire, de représenter et de manipuler ces structures contrapuntiques (Junod, 2010). Grâce à une série de logiciels mettant en œuvre ces principes, il est désormais possible de composer des contrepoints exotiques, de les écouter, de visualiser leur structure, et surtout de les transformer d’un monde vers l’autre.
L’existence de ces univers contrapuntiques est attestée depuis une quinzaine d’années. Les outils d’aide à la composition proposés ici permettent enfin d’en explorer le contenu, et de découvrir l’intérêt qu’ils pourraient présentent pour la composition.
Karim Haddad (compositeur) - Du contrepoint : problématique et prospective
On présentera d'une manière informelle des exemples d'œuvres personnelles en regard d'une technique contrapuntique axée tout particulièrement sur la durée, le rythme et la forme. On abordera ensuite des techniques inédites de contrepoints possibles et impossibles réalisés à l'aide de l'outil de CAO (OpenMusic).
Références
- Fux, Johann Joseph (1725), Gradus ad Parnsasum, Van Ghelen, Wien.
- Ziehn, Bernhard (1912), Canonische Studien. Eine neue Compositions-Technik, Richard Kaun Musik Verlag (tr. angl. Canonical Studies. A New Technique in Composition, Kahn & Averill, London, Stanmore Press, 1976)
- Graeser, Wolfgang (1924), « Bachs ‘Kunst der Fuge’ », Bachjahrbuch, p. 1-104.
- Schoenberg, Arnold (1934), Musikalische Gedanke und die Logik, Technik und Kunst seiner Darstellung (tr. angl. The Musical Idea and the Logic, Technique, and Art of its Presentation, New York, 1995)
- Krenek, Ernst (1940), Studies in Counterpoint. Based on the Twelve-Tone Technique, G. Schirmer,New York.
- Schillinger, Joseph (1941), The Schillinger system of musical composition, New York, Carl Fischer inc. (2 volumes)
- Bizzi, Giancarlo (1982), Specchi invisibili dei suoni. I canoni, la risposta a un enigma, Edizioni Kappa (tr. française Miroirs invisibles des sons. La construction des canons: réponse à une énigme, Annales littéraires de l'Université de Besançon, vol. 342, Les Belles Lettres, 1986).
- Chemillier, Marc (1990), « Solfège, commutation partielle et automates de contrepoint », Mathématiques et sciences humaines, tome 110, p. 5-25.
- Verdi, Luigi (2005), Caleidocicli musicali. Simmetrie infrante dei suoni, Milan, Rugginenti (nouvelle édition, 2010)
- Mazzola, Guerino (2007), La Vérité du Beau dans la musique, Collection « Musique/Sciences », Delatour/IRCAM, Paris.
- Junod, Julien (2010), Counterpoint Worlds and Morphisms : a Graph-Theoretical Approach and its Implementation ont the Rubato Composer Software, thèse de doctorat de l’université de Zurich.
- Tymoczko Dmitri (2010), A Geometry of Music. Harmony and Counterpoint in the Extended Common Practice, Oxford University Press (à paraître).