Représentation des signaux sonores numériques : perspectives pour l'interprétation et la manipulation musicale
Vendredi 1er février 2013
14h30 – 18h00
IRCAM - Salle Stravinsky
1, place I. Stravinsky 75004 Paris
Entrée libre dans la mesure des places disponibles
L'interactivité multimédia proposée autour du signal sonore numérique implique la notion de représentation, qui peut être envisagée dans son aspect de médiation associant interfaçage et interprétation de données. La qualité de la médiation dépend alors des possibilités de manipulation des données qu'elle offre, mais aussi du paradigme conceptuel qui oriente plus ou moins profondément l'interprétation. Dans le cadre du signal sonore, doivent être questionnées la capacité de manipulation des données par la représentation – ainsi que la maniabilité même de celle-ci – ; par exemple, la représentation peut-elle cautionner une synthèse du signal en brouillant le dualisme production/réception ? La manipulation musicale s'appuie habituellement sur les symboles conçus comme unités syntaxiques à articuler pour produire des unités de plus haut niveau ; comment une interface modulaire (par exemple un "patch") dépasse-t-elle la dichotomie symbole/signal ? Doit donc être questionnée la valeur ajoutée lors de l'interprétation; par exemple, qu'implique la place prépondérante de l'analyse spectrale et comment assumer ou contourner l'orientation mathématique et conceptuelle qu'elle induit ? Quelques représentations du signal seront ainsi proposées, orientées par une conception différentielle, dynamique et multi-échelles du temps.
Séance spéciale organisée en collaboration avec Josselin Minier et Jean-Marc Chouvel, et avec la participation de Pierre Couprie (MINT-OMF, Université de Paris-Sorbonne) et Alain Bonardi (Université Paris 8 / IRCAM).
Programme de la séance
- 14h30-15h15 : Pierre Couprie – La représentation du son dans l'analyse musicale : de la publication interactive au développement de logiciels
- 15h15-16h00 : Alain Bonardi – Représenter la production du son dans les oeuvres mixtes
- 16h15-17h00 : Jean-Marc Chouvel – Vers une représentation continue de la structure musicale ?
- 17h00-17h45 : Josselin Minier – De la médiation au simulacre : une interface différentielle, multi-échelles et dynamique
Résumés des interventions
La représentation du son dans l'analyse musicale : de la publication interactive au développement de logiciels
Pierre Couprie (MINT-OMF, Université de Paris-Sorbonne)
Les publications d'analyse musicale utilisent couramment différents types de représentations du son. De la forme d'onde au sonagramme enrichi d'annotations, ces représentations sont généralement pensées en complément d'un discours, de fragments de partitions et sont associées aux fichiers audio ou vidéo. Certaines publications ont commencé à explorer le domaine de l'interactivité afin d'enrichir l'expérience du lecteur. Mais force est de constater que la réalisation de telles représentations n'est pas toujours aisée pour le musicologue. C'est la raison pour laquelle j'ai développé les logiciels iAnalyse pour la musique écrite et EAnalysis pour la musique électroacoustique.
Après un rapide état des lieux sur les publications musicologiques utilisant les représentations physiques du son, je montrerai les avancées de ces deux logiciels tant sur le plan de l'interface que des réalisations qu'ils permettent.
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Représenter la production du son dans les oeuvres mixtes
Exemple du patch Max/MSP de En Echo de Philippe Manoury
Alain Bonardi (Université Paris 8 / IRCAM)
A côté de la traditionnelle dichotomie entre note et son, entre partition et sonagramme, nous nous penchons ici sur la représentation de la production du son dans les œuvres mixtes associant musiciens et machines : comment modéliser – en temps ou hors-temps, le fonctionnement de la machinerie informatique de production sonore ? Partant de l’exemple du patch Max/MSP de En Echo de Manoury (version 2011), nous montrerons comment la compréhension du fonctionnement de cet ensemble complexe nous a conduit à des descriptions abstraites de situations de transformation et génération sonore mais aussi à leur suivi dans le temps, sous la forme de motifs. Entre analyse et orchestration (mais sans véritable organologie d’une lutherie électronique pléthorique), entre recherche de patterns et choix de représentation, notre approche se veut d’abord musicologique, en mobilisant un certain nombre de techniques informatiques.
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Vers une représentation continue de la structure musicale ?
Jean-Marc Chouvel (Université de Reims)
La structure musicale, telle qu'elle a été envisagée jusqu'à présent, était essentiellement discontinue, marquée par les paradigmes de segmentation et de groupement. On essaiera de montrer qu'une représentation continue de la notion de structure est possible, dût-elle manifester la discontinuité effective de la structure pour certaines musiques, et que cela est vrai autant pour l'analyse des profils (par exemple dynamiques) que pour des considérations plus paradigmatiques. On tentera d'envisager le rapport entre matrice d'auto-similarité et représentation continue de la structure comme une avancée majeure vers la possibilité de donner de la musique une image informée de ses composantes internes.
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De la médiation au simulacre : une interface différentielle, multi-échelles et dynamique
Josselin Minier
La gestion numérique de données sonores, toujours plus ouverte, inscrit le temps dans des procédures (écriture, programmation…) et le déroule dans des processus (automation, interprétation) complexes imposant une réflexion sur les possibilités d’agencement temporel. Diverses techniques de séquençage, de timewarping, d’histogramme tri-dimensionnel, de matriçage, ou de prédiction, permettent d’appréhender dynamiquement le temps. Il n’est cependant jamais évident de présenter sur un même plan les différentes échelles et les multiples rapports d’une simple succession, ni même de développer pleinement une simultanéité, et encore moins de représenter « en temps » les variations dynamiques et la récursivité pourtant communément utilisées, dans les filtres RII (à Réponse Impulsionnelle Infinie) et les configurations ARMA (Auto Regressive Moving Average) notamment. Sera proposée une interface de traitement temporel des données musicales, sonores, graphiques, ou plus globalement des procédures et processus enveloppant et développant la temporalité de divers types de données. Cette interface est diversement réalisée dans Scilab/Matlab, Visual Basic/CSharp et Pure Data. La représentation géométrique est dite :
- différentielle, car le temps n’est pas seulement appréhendé en des moments, mais aussi en des durées – différences entre moments ;
- multi-échelles, en ce qu’elle développe sur un même plan vectoriel divers rapports différentiels selon différentes temporalités ; ce à quoi s’ajoute une configuration auto-similaire se rapprochant des constructions fractales ;
- dynamique, scalable et adaptative, car elle s’élabore sur les données elles-mêmes et non sur une grille préétablie, chaque élément de construction représentant une variation, un rapport dynamique entre données.
Derrière l’aspect purement méditatif de cette représentation, se développe peut-être une configuration sans fond – c’est-à-dire infinie et fractale – en un rapprochement infime vers la notion deleuzienne et anti-platonicienne de simulacre.
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